WORK SONGS – CREATION 23

WORK SONGS – CREATION 23

On chantait dans les usines.

On chantait sur les bateaux.

On chantait aux champs.

Pour se mettre en train. Pour réchauffer les corps. Pour oublier la douleur et narguer les contremaîtres. Pour que le soleil brille, pour que la pluie daigne tomber. On chantait et on travaillait. Mais les modalités du travail ont changé, et les chants ont disparu. 

Nous voulons retrouver, réarranger, actualiser ces chants de métier, chants de travail que la distance et l’ignorance ont condamné à l’oubli.

Cette musique fonctionnelle, de coordination des gestes, n’a plus guère de sens quand on travaille seul, et que le tempo est donné par un smartphone. Alors remettre du chant dans le travail, c’est peut-être aussi un moyen d’assainir les pratiques, de tout simplement retrouver des raisons de chanter.

Notre démarche n’est ni mémorielle ni documentaire, mais bien une recherche de l’essence musicale de ces pratiques vocales de transmission orale, simples et puissantes.

L’ensemble bruxellois HYOID voices (dir. Fabienne Séveillac / Andreas Halling) collabore avec le metteur en scène français Halory Goerger et le compositeur américain Christopher Trapani pour créer une pièce qui explore ce matériel. Pour le disséquer, le complexifier, le déplacer. Le confronter à de nouveaux environnements de travail, à d’autres aspirations. 

En écoutant des laitières qui chantaient pour consoler leurs vaches à qui on avait pris le veau, on se demande ce qu’on pourrait chanter dans une ferme où elles sont mille à se lamenter. Comment chante-t-on dans une usine où le niveau sonore avoisine les 90dB ? Quelle chanson résonne dans les « fermes de trolls » du Brésil et de la Russie quand les présidents sont élus ? Qu’est-ce qu’on chante quand personne ne comprend ce qu’on fait comme travail, ou qu’on en a plus ?

On voudrait savoir dans quelle langue on chanterait sur un pétrolier multilingue où les écrans ont supplanté les guitares. Comprendre ce qu’on a encore à chanter dans un entrepôt glauque chez Amazon dans les 30 secondes de pause qu’on a.

Et que ce ne soit pas triste. Et qu’on sorte de la pièce en chantant.