JACK – CREATION

On crève d’être mangés par nos écrans. On crève de ne pas se toucher. On crève de ne savoir que faire de ces vies qui s’effondrent. On est engagés dans la connaissance par les gouffres, et il commence à y avoir du monde en bas. Alors ? On se retrouve au fond, et on prend soin les uns des autres ?
Dans une grotte, des individus dansent la même danse, altérés et unis par les mêmes substances, réduits et augmentés par le même chant. Dans une société structurée par le discours et le travail, ce système a tôt fait d’être normalisé, trivialisé, rendu inopérant.
Que ce soit dans le désert australien il y a 3000 ans, dans une église un dimanche matin à Chicago, avec 2000 personnes dans un club berlinois, ou avec trois cousines ivres dans 9m2 : on travaille à un projet de société temporaire. On construit une éthique qui ne dure que le temps de cet assemblage. On répare et on questionne, en parlant, en dansant, en errant. Une fois les toxines évacuées, après avoir jeté les cigarettes plantées dans le houmous, les corps fourbus découvrent que des problèmes ont été réglés (et que d’autres sont apparus). Le divan et le club : même combat, la thérapie de groupe.
Je postule que l’une des formes les plus raffinées de participation à la société repose sur notre capacité à s’abandonner – aux autres, à soi, au cosmos. Ici, pensons le cosmos comme l’endroit de concentration des logiques de relation. L’internet de l’humain et du non-humain.
Danser altérés, mais ensemble, dans une suspension du jugement qui permet de progresser dans notre interconnexion, et dans notre compréhension du milieu. Dans cette pièce, je ne compte pas faire du plateau le lieu de ces agencements, mais bien celui de l’étude de leurs fondements, et de leurs conséquences. Il ne s’agit donc pas de singer, mais de raconter par les marges, l’avant, l’après. Raconter ce qui se passe dans nos têtes quand ça danse, pour que ça danse, quand ça a dansé, quand ça ne danse plus.
La joie, l’abandon, la honte. La montée, le plateau, la descente.
Comme en parle Bataille dans L’expérience intérieure, nous nous penchons sur « la mise à l’épreuve, dans la fièvre et l’angoisse, de ce qu’un homme sait du fait d’être. » Nous aimerions étudier comment des situations d’écoute produisent des contextes qui rénovent nos rapports et réparent nos vies, contre toute attente.